L’instant. Impossible de le saisir, de le voir, de le garder. Impensable de vivre sans. Il se fait rare, l'instant, dans nos vies organisées. Mais il y a des moments où l'instant nait. Où il n'en finit pas de naître. Des moments où l'espace dépose doucement le temps : clairière brûlée, nénuphar géant.
Le corps se trouve, sur une lande, dans le geste qui dit le souffle. Le temps n'a plus de place il s'enfonce dans la marre aussi sûrement qu'une ombre. Suspension d’une écriture en train de se faire. « Ça » se construit là, non plus sous notre regard, mais en nous. Nous ne voyons pas, nous sommes le geste autant que l’étang, aussi sûrement que la roche. « Ça » bouge, « ça » travaille en nous. L’écriture s’immisce dans toute la fragilité du devenir sans cesse. Il n’y a pas de saisi possible, un geste en chasse un autre mais ce n’est pas le temps qui s’inscrit ici, c’est l’espace d’être. Être et devenir l’enfant terrible de Saturne.
Saturne ne mangera pas ce soir : nous sommes. Tout est. Le chant de l'oiseau et le cri du vent dans les arbres. La trace dans l'eau et la pierre rouge de l'orage. Il n'y a pas d'autres histoires. Il n'y a plus d'histoires, le présent est éternel et le dire l'annule.
Le monde ne peut qu'exister, nous le vivons alors comme l'évidence des soirs des jours. Ni l'image ni le mot ne disent cet instant là. Ils le bordent seulement dans le plaisir du souvenir.
Emilie Houssa
( Après les performances du 14 juin )