(...) ils sont du langage à l’état naissant, le monde y apparaît comme on ne l’avait jamais vu. Non plus comme un spectacle mais comme cette lumière où les choses n’ont pas encore pris forme, où elles se cherchent, comme les premiers mots au bord du vide de ce qui les appelle.
Oui, les poèmes sont du jour dans le langage. Comme s’il était soudain si usé qu’on voyait à travers. Et ce qu’on voit, on ne le comprend pas. C’est obscur ou éblouissant, ça guette ou ça remue, ça recule ou ça vient –– c’est là, ça n’y est pas. Tout à la fois. Et c’est pourquoi on ne sait plus où on en est.
Comme les cailloux du Petit Poucet, les poèmes ne sont qu'un peu de clair dans l'ombre de la forêt des jours. Pourtant, ils ne tracent pas comme eux un chemin vers le connu mais vers l'inconnu. Ils n'aident pas à se trouver mais à se perdre.
(...)
Jacques Ancet