désir de laisser remonter la forêt
à la surface du corps
nous ne formions qu’une seule et même chair dans la caverne de l’humanité
un seul et même pouls
une unique fissure verticale
où à la fois chute et s’élève
une meute de chair
avec tant d’unité dans nos diversités
et tant de diversité dans notre unité
j’ai vu la mousse devenir animal
l’arbre nous apprendre à tenir debout
et son écorce lire le journal de nos ombres
viens
partons à l'aventure
vers le mystère, le secret
l’aventure
celle de l’attente que ça se révèle, d'aller plus loin
pénétrer un lieu secret
où grimper
chuter
recommencer
laisse faire la forêt
tes empreintes sur sa peau
son empreinte dans ta chair
fouille
sa présence
l’attention alerte
l’écoute ivre
les sens à nu
piste le sentiment
flaire la texture
sans comprendre la devenir
épouse les reliefs
apprends son langage souterrain
de ce qui se décompose
et nous recompose
de ce qui la recompose
et nous décompose
elle va
nous renverser
nous ramoner
nous fourrager
nous cueillir
par dessous
au dedans
tellement vaste
tellement proche
ici pas de mythe, pas de récit
des instants
des trouées
des existences
et beaucoup d’effraction d’épiderme
beaucoup de terre dans la mémoire
de brindilles dans les côtes
et de sable dans la bouche
les courbes du paysage dictent la route du corps
cartographie intime de ce qui s’échappe
abrasives nervures
du terrain
s’approcher de croire à ce qui disparaît déjà
courir comme question
douter comme courir
ici croire c’est douter
ici douter c’est croire
il y aura des cris, des silences
des ancêtres, leurs prénoms,
une seule bouche conjuguera leur mémoire
avalé par la forêt
la rencontre est poreuse
le rendez-vous est muqueuse
dans nos veines s’entêtera
une faim
impossible à combler
couché
à l’endroit
où brûle
où tremble
où tombe
où tournoie
où faille
tellement de peau
mutante
muante
doucement se détache
un secret
articulation de l’instant
la forêt se mêle
disparaît ce qui manque
fente libère
peau reçoit
chercher
tout contre
chair
un lieu, une émotion
une pierre, un organe
retenir la racine dans l’artère
perdre la membrane
la limite
s’amarrer à l’illimité
où mousse profonde
pierre vivante
éclosion par le ventre
ronger
où c’est tendre
la peau s’enfonce
traverse l’espace
s’enfuir dans ce qui décuple
avale la cavité
par le dos s’enfonce
par l’épaule ça remonte
déborde
retourne au sol
l’organe
habite ce qui roule
articule l’autre côté
laisse la grotte avancer en toi
remonte la colonne vertébrale du chêne
le muscle fleurit bruyère
ça caillasse les ancêtres
perce déterre prolifère
là où ça fissure
là où ça fente
là où ça échancre
les blessures murmurent dans la grotte
désenfouir
une histoire de monstres
jusqu’à sourdre
une histoire de dieux
le lichen lèche la plaie
plurielle sont nos pierres
quelle partie de ton corps as-tu glissé derrière l’écorce?
tellement peau
tellement prendre
prendre feu
prendre forêt
Céline Angèle